(Ou comment observer un spécimen de son espèce.)

 

Au zoo, t’es attentif à toi regardant l’animal. Je cherchais un endroit où tu peux regarder quelqu’un, le penser avec tous ses archétypes.

« Se donner une tâche, c’est une possibilité de se délester du regard sur soi. Être ce que je suis, un homme. Je suis condamné à être ça. L’être sans trop y penser. Parce que les gens concentrés sur leur tâche, sont libérés de leur image sociale. »

« Je suis persuadé que quelque chose du genre transparait dans la manière de déplacer des objets. Je ne voulais pas aller chercher des gestes de l’ordre de la masculinité. Mais m’en libérer. Moi je ne sais pas où est ma masculinité. »

« J’ai décidé de me mettre à classer, ça révèle bien l’aspect obsessionnel de ma personnalité. C’est aussi une façon de ranger ses émotions. L’enjeu était que ça n’agisse pas sur les gestes que je faisais. J’ai eu l’impression de faire un travail qui me sortait de l’exhibition. »

– Je me voyais accomplir un vocabulaire de gestes que je trouvais intéressants pour moi-même, et je me disais, ils les voient aussi.
– Pour moi, l’attention portée à ces gestes-là n’était pas visible. Je voyais quelque chose d’inébranlable, quelque chose d’un fil intérieur absolu. Je ne sais pas si l’enjeu était masculin, ou lié au fait de faire toujours la même action. Au bout d’un moment, c’est devenu masculin. Quelque chose très simple en terme de trajectoire. Quelque chose d’une détermination permanente.
– En tant qu’être singulier, j’hésite beaucoup. Mais si j’avais hésité, je suis sûr que j’aurais joué l’hésitation.

« Ce qui m’a frappé c’est de voir comment le genre disparaît. J’ai pas vu un homme. Mais plutôt Michel. Une façon de marcher propre à son corps, au-delà du fait qu’il soit masculin. »

« Et on dépassait le genre pour aller vers une classe sociale. L’archétype genré se trouvait supplanté par l’archétype social. »

– Au zoo, on regarde un spécimen de l’espèce. Rarement un animal singulier.
– C’est le genre de regard que j’ai pu sentir en tant que femme.