Questions posées aux participants à l’issu de la journée du 1er jour de labo :

– À propos de la présentation « à travers le téléphone » : Qu’est-ce que ça fait d’avoir accès au téléphone d’un.e inconnu.e ? Qu’est-ce que ça fait d’entendre son portrait par un.e inconnu.e ?

– À propos de la journée : avez-vous traversé des expériences de solitude (partageables)?

Quelques mots, quelques phrases suffisent, « sur le vif »…

 

Christine :

1/ le téléphone d’un inconnu à découvrir c’est intimidant, ça paraît super intrusif (est-ce qu’il/elle a envie que je sache ce qu’il contient ?) Super idée pour mettre en contexte écrans et participants.

2/Entendre son portrait par un inconnu c’est également intimidant, amusant aussi de voir ce qu’il a retenu de ce qu’on lui a montré ou dit. J’ai remarqué que tous ceux qui écoutaient leur portrait (moi y compris) avait un sourire figé et un peu crispé, la situation est inhabituelle aussi, c’est peut-être cela qui déstabilise un peu.

3/ expériences de solitude partagée oui je pense que Queer Analytics a bien joué son rôle de dé-stabilisation de la façon d’aborder une recherche. On a bien pataugé en se demandant où on allait, où on voulait nous faire aller, c’était bien qu’il y ait un soutien régulier d’Annie, ça permettait de réduire momentanément l’étrangeté…

 

Marine :

L’inconnu.e se raconte aussi dans ce qu’il raconte. C’est le principe de la carte de Deligny et Deleuze.

La pudeur empêche l’inconnu.e d’aller fouiller. Il reste en surface de la surface. L’écran fait écran. La pudeur joue encore plus son rôle dans l’accès à l’écran de l’autre.

Une solitude, oui, quand j’ai parlé de Julian Assange. Comme si l’actualité ne permettait pas de pouvoir s’élever en deçà de son affect.

 

Alice :

Le téléphone est devenu un objet très intime, une forme de miroir, une partie de soi ; il y a donc quelque chose de gênant à manipuler le téléphone de quelqu’un d’autre. En même temps – et de ce fait – c’est aussi une mise à nue en un sens, un don de confiance (dans une certaine mesure) qui fait qu’on a beaucoup de prudence dans la manipulation.

Le portrait devient quelque chose de délicat et donc de précieux. Pour ma part j’ai été très touchée du portrait fait de moi, où j’ai senti beaucoup de soin.

Pas de moment de solitude mais des moments de frustration à décoder le protocole… la perte de repères – mais je crois que c’est pour ça qu’on est là.

 

Arianna :

C’était très fort pour moi le moment de l’échange du téléphone , quelque chose de très intime. Pour moi c’était plus gênant de manipuler le téléphone de l’autre plutôt que l’inverse.

J’ai ressenti une sensation presque « violente » quand je regardais le téléphone de l’autre.

À l’oppose j’ai ressenti une certaine liberté à montrer mon téléphone, presque une curiosité à prendre un risque pour voir ce que ça pouvait apporter.

J’ai me suis amusé à écouter mon portrait fait par Pierre Marie, et en même temps j’étais nerveuse de me dévoiler face aux autres, peut-être car j’avais presque la sensation de ne pas pouvoir contrôler cette description, mais que c’était lui qui avait le pouvoir sur ma description. Et du coup une sensation de prise de contrôle.

Oui, quelques moments de solitude et frustration/confusion, comme Alice dit, parce que je n’arrivais pas à bien comprendre les codes et certaines partie de l’analyse queer (peut-être aussi à cause de la difficulté « personnelle » d’exprimer des concepts pas forcement très simples dans une langue qui est pas la mienne).

 

Maxime :

Expérience du téléphone intéressante dans les deux sens.

En ce qui concerne le reste de la journée, j’ai ressenti un peu d’incompréhension.

 

Pierre-Marie :

Avoir entre les mains le téléphone d’une inconnue est à la fois complètement intrusif et à la fois totalement savoureux. J’étais autorisé, avant même de rencontrer Arianna, de m’immiscer dans son intimité la plus secrète. J’ai bien aimé me livrer à cette enquête et je me suis fais la réflexion que plus je cherchais à essayer de connaître Arianna plus j’envisageais l’ampleur du réseau de connexions et d’interactions qu’elle possédait.

Entendre son portrait brossé par une inconnue est déroutant, j’espérais qu’elle n’oublierait rien de ce qui m’apparais fonder ma personnalité et j’ai vite compris que je ne contrôlerais rien et que mon image m’échappait totalement.

Bizarrement le moment où je me suis senti le plus seul c’est lorsque nous avons fait circuler le portable de Mathilde qui venait d’arriver…je me suis dit que j’aurais eu beaucoup de mal à subir cet exercice…

 

Mélissa :

— Avoir en main le téléphone de l’autre : c’est un jeu permanent entre les limites sociales et celles de l’exercice. D’un côté, on sait que l’espace dans lequel ça se déroule est un espace « sécuritaire », de confiance – et de l’autre, on se sent malgré tout dans la position, plus encore que du voyeur, du fouineur. Mais j’ai beaucoup aimé les stratégies qu’on peut mettre en place pour contourner ce malaise : s’intéresser à des traces plus anecdotiques que les photographies, les messages et les courriels… La pudeur amène à faire preuve d’inventivité, disons !

— Entendre son portrait fait par l’autre : drôle d’effet. L’impression qu’une loupe grossissante est positionnée sur certains détails, en laissant des choses qui te paraissent te définir complètement (et qui auraient pu être débusquées au cours de l’enquête !) de côté. Remet un peu en question, justement, ce que tu considère comme central pour te présenter habituellement.

— Expériences de solitude : un peu, face à la méthodologie proposée, l’impression qu’il n’y avait assez de temps pour la comprendre, la questionner, l’approprier — et, de fait, sentir que chaque personne dans le groupe essaye de batailler tout seul avec ce qui devrait être le point de départ et l’outil de formalisation de la discussion.

 

Agathe :

Le fait de découvrir une personne via son téléphone a été pour moi un exercice ludique et plaisant. Cela est dû au fait, je pense, que vous ayez auparavant dressé un cadre quant au consentement et à la possibilité de dialogue. Cela m’a permis d’échanger concrètement et plus profondément sur les intérêts, les relations, la vie professionnelle d’Amélie, au-delà des questions « bateaux », ou même de la volonté de contourner ces questions lorsque je rencontre quelqu’un. Il y avait un côté « Sherlock Holmes 2.0 » que je trouve stimulant, bien que je manque de méthodologie.

J’ai trouvé très intéressant d’entendre les types de recherches des autres, effectuées sur certains médiums auxquels je n’aurais pas pensé de moi-même. J’ai trouvé aussi intéressant de réaliser qu’il n’est pas évident de résister à l’interprétation. Regarder les personnes qui étaient décrites dans le même temps était à la fois beau, drôle et troublant.

Le fait qu’Amelie arrive à découvrir des photos de mon téléphone que je pensais avoir effacées m’a marquée, tant au niveau de la prise de conscience de la persistance des données numériques, qu’au niveau de mon manque de connaissance en la matière. Ce qui m’a également marqué, c’est la douceur et la délicatesse avec lesquelles elle l’a fait, le soin et la précaution que l’on peut prendre lorsqu’on manipule quelque chose de valeur.

J’ai traversé des moments de solitude:

Celui de la « promenade » avec les pierres et les plantes était délicieux, très apaisant. Et en même temps, curieusement, je ne ressentais pas cette solitude, car cette multitude m’accompagnait dans ma route et me remplissait.

 

Marion :

Je partage assez ce qui a pu être dit. C’était assez déstabilisant d’avoir accès à l’intimité d’une personne que l’on ne connait pas et très intéressant d’observer ses propres réactions et ressentis lorsqu’on assiste à la ‘fouille’ de son portable.

Ça questionne de manière empirique la notion d’identité et du récit de soi.

L’analyse a aussi provoqué un sentiment de solitude et de frustration pour moi.  Une sorte de solitude collective, j’ai eu l’impression qu’il était difficile de se trouver et d’échanger face à un protocole un peu difficile à apprivoiser.

 

Rachel :

Pas eu cette expérience (du portrait à travers le portable / variation 2 : portrait « googlelisé »)

Je suis arrivée dans un groupe dont les membres faisaient la description de quelqu’un présent dans l’assemblée, par l’intermédiaire d’éléments d’informations accessibles par son téléphone : ressenti un malaise pour cette personne : comment se laisse-t-elle définir par d’autres et sur la base d’éléments si parcellaires. Questionnement : les éléments d’infos, les mémoires et traces de nos téléphones sont-ils reflets légitimes d’une personne et d’une personnalité ? Quelle pondération des informations ?

Qu’est-ce que ça fait d’entendre son portrait par un.e inconnu.e?

Sensation d’être l’objet d’une enquête policière. Questionnement : que vont ils découvrir de moi que je ne souhaite pas faire savoir. Y a t il des parties/mémoires de moi dont j’ai honte. Qu’est ce que l’intime ? Pourquoi ne pas vouloir être mise à nue ? Est ce que ce qui est riche et précieux chez moi est ce que je ne veux pas partager ?

à propos de la journée : avez-vous traversé des expériences de solitude (partageables)?

Globalement un sentiment de magma de réflexions sans visée ni objectif sur la phase « analyse d’un dommage » par groupe de 4. Difficulté à saisir le point de vue de l’autre car le process et les termes d’analyse n’étaient pas assez définis au préalable de façon commune à mon gout.  Solitude d’une pensée non partageable car pas définie assez clairement chez moi. Nécessité d un langage commun pour communiquer du sens (sémantique). Processus désagréable à mon besoin de rationnel et de logique.